Montréal, 2017.
Le Plateau Mont-Royal était encore saupoudré des dernières neiges de mars, et l’odeur du café chaud s’échappait des petites terrasses où quelques irréductibles bravaient le froid pour profiter des premiers rayons de soleil.
C’est un dimanche matin, dans un petit café de la rue Saint-Denis, que Maude, une illustratrice de 29 ans, venait travailler sur son carnet de croquis. Elle commandait toujours la même chose : un cappuccino, une brioche, et trois heures de dessin sans interruption. Ce matin-là, pourtant, quelqu’un changea le rythme de sa routine.
Assis à la table voisine, Yannis, un Français installé à Montréal depuis six mois, écrivait dans un carnet. Un carnet Moleskine noir, presque identique à celui de Maude. Elle le remarqua d’abord à cause de la manière dont il tapotait son stylo contre la table, comme un métronome. Puis, quand il leva les yeux et sourit — sans mot dire — elle sentit un déclic.
Ils passèrent près de quarante minutes sans échanger un mot, juste à s’observer, à sourire, à travailler côte à côte. Jusqu’à ce que Yannis brise le silence :
— « Je peux te poser une question ? »
— « Vas-y. »
— « Est-ce que tu dessines ce que tu vois… ou ce que tu ressens ? »
Maude resta un instant figée. Ce n’était pas une question banale. Elle ferma son carnet et répondit simplement :
— « Je dessine ce que j’espère voir. »
Ce jour-là, ils restèrent au café jusqu’à la fermeture. Ils partagèrent des histoires de solitude, d’exils volontaires, de passions et de peurs. Lui écrivait un roman qu’il n’avait jamais terminé. Elle, elle avait arrêté de croire que l’amour pouvait arriver “juste comme ça”, sans effort, sans préméditation.
Mais Montréal, avec ses hasards gelés et ses quartiers à l’âme vivante, leur avait réservé cette surprise.
Trois mois plus tard, ils emménagèrent ensemble dans un petit appartement sur la rue Marie-Anne. Les murs étaient fins, l’hiver encore mordant, mais leur quotidien était doux. Ils travaillaient côte à côte : elle dessinait ses rêves, lui les écrivait.
Un an plus tard, Yannis publia enfin son roman. Le titre : « Le Café du Dimanche ». En dédicace, il écrivit :
À Maude. Celle que j’ai vue avant de la connaître. Celle que je n’aurai jamais pu inventer.
Épilogue :
Cette histoire est vraie. Maude et Yannis existent. Ils ont raconté leur rencontre dans une entrevue sur une radio montréalaise en 2019. Leur histoire a depuis inspiré plusieurs artistes locaux, et leur café du dimanche reste un repère connu du quartier — certains disent même que leur table est toujours là, près de la fenêtre, souvent occupée par des couples silencieux qui rêvent à leur tour.