Une vague de contestation secoue l’empire médiatique de Québecor depuis le printemps 2025. Au cœur du débat : les millions de dollars en subventions publiques reçues par le géant des médias, alors que certains de ses chroniqueurs sont accusés d’utiliser leurs tribunes pour intimider des individus et propager de la désinformation. Cette controverse soulève des questions fondamentales sur le rôle des médias dans notre société et les limites de la liberté d’expression.
Une pétition qui fait des vagues
Le 15 mai 2025, une lettre ouverte publiée sur Pivot a lancé un mouvement sans précédent. Rédigée par l’historien et politologue Alexandre Dumas, cette initiative exige que les gouvernements cessent d’octroyer des subventions aux médias de Québecor, notamment le crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne et le crédit d’impôt sur le soutien à la presse écrite.
En seulement cinq jours, plus de 7 000 signatures ont été recueillies, un chiffre considérable pour ce type de mobilisation citoyenne. Cette réaction témoigne d’un malaise profond au sein de la population québécoise face aux pratiques éditoriales de certains chroniqueurs de l’empire Québecor.
Ironiquement, quelques jours avant la publication de cette lettre, Pierre Karl Péladeau, PDG de Québecor, publiait dans Le Devoir une tribune sur la nécessité de financer les diffuseurs privés. Cette position contraste avec la perception publique d’un empire médiatique déjà largement profitable qui continue de recevoir des fonds publics importants.
La convergence médiatique : une arme à double tranchant
La convergence des plateformes de Québecor représente une force considérable dans le paysage médiatique québécois. Des émissions comme Star Académie ou La Voix bénéficient d’une visibilité exceptionnelle grâce à cette synergie entre les différentes propriétés de l’empire : télévision, journaux, radio et plateformes numériques.
Cependant, comme le soulignent plusieurs observateurs, cette convergence peut également se transformer en redoutable machine de guerre médiatique. La capacité de mobiliser simultanément plusieurs plateformes pour amplifier un message ou cibler un individu soulève des préoccupations légitimes quant à l’équilibre des pouvoirs dans l’espace public.
L’intimidation médiatique : des cas documentés
Depuis plusieurs années, journalistes indépendants, artistes, universitaires et même des concurrents dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une forme systématique de pression médiatique. Richard Martineau, chroniqueur vedette du Journal de Montréal, se trouve régulièrement au centre de ces critiques.
Un incident révélateur remonte à 2016, lorsque Martineau avait poursuivi Ricochet (l’ancêtre de Pivot) pour 350 000 $ après la publication d’une chronique satirique rédigée sous forme d’avis de décès. Le média indépendant avait finalement réglé hors cour, illustrant la disproportion des moyens entre un empire médiatique et un média alternatif.
Le vide déontologique
Le problème est exacerbé par le fait que Québecor ne reconnaît plus l’autorité morale du Conseil de presse du Québec depuis plus de quinze ans, suite à une saga judiciaire. Sans mécanisme de régulation efficace, les guides déontologiques existants peinent à encadrer les pratiques éditoriales controversées.
Plusieurs voix réclament maintenant la création d’un ordre professionnel avec des pouvoirs de sanction réels. Toutefois, cette solution se heurte à la résistance de nombreux journalistes et médias qui craignent une atteinte à la liberté de presse.
Un débat qui transcende Québecor
Au-delà de la controverse spécifique entourant Québecor, ce débat soulève des questions essentielles pour l’avenir du journalisme québécois : comment concilier liberté d’expression et responsabilité médiatique? Les subventions publiques aux médias privés sont-elles justifiées, et si oui, doivent-elles être assorties de conditions déontologiques?
Alors que le paysage médiatique continue d’évoluer et que la concentration des médias s’accentue, ces interrogations deviennent de plus en plus pressantes pour l’ensemble de la société québécoise. La pétition lancée en mai 2025 pourrait marquer un tournant dans la relation entre les citoyens, les médias et l’État en matière de financement public de l’information.

