Québec durcit le ton envers les médecins récalcitrants
Le gouvernement du premier ministre François Legault a imposé vendredi matin le bâillon à l’Assemblée nationale pour faire adopter une loi spéciale qui réforme le mode de rémunération des médecins québécois. Ce texte prévoit des sanctions financières et disciplinaires contre ceux qui ne respecteraient pas les nouvelles obligations de « continuité des activités professionnelles » dans le réseau public.
Selon la nouvelle législation, les médecins récalcitrants pourraient voir leur salaire réduit et s’exposeraient à des pénalités d’ordre disciplinaire, voire pénales. Les fédérations médicales risquent également une retenue sur les cotisations qui leur sont versées. Les universités, elles, devront garantir la poursuite des activités d’enseignement, sous peine de sanctions similaires.
Un bâillon pour forcer la fin du bras de fer
Le recours au bâillon vise à contrer les moyens de pression des fédérations médicales, notamment ceux des médecins spécialistes qui boycottaient les activités d’enseignement depuis plusieurs semaines. Cette stratégie du gouvernement met fin abruptement aux négociations autour du controversé projet de loi 106, qui liait une partie de la rémunération des médecins à leur performance et à leur disponibilité dans le système de santé.
François Legault a justifié cette décision en invoquant le droit des Québécois à un accès continu aux soins :
« Les citoyens donnent 9 milliards de dollars par an aux médecins, c’est normal qu’ils exigent des résultats », a déclaré le premier ministre depuis le Salon rouge du Parlement.
Réactions et critiques de l’opposition
Les partis d’opposition à Québec n’ont pas tardé à dénoncer la méthode employée. Québec solidaire, par la voix de Ruba Ghazal, a rappelé qu’il s’agissait « du huitième bâillon en sept ans de gouvernement », un chiffre qu’elle considère révélateur d’une gouvernance autoritaire. Le Parti québécois et le Parti libéral ont également vivement critiqué l’approche du gouvernement, accusé de transformer la médecine québécoise en un modèle de type « fast-food » axé sur la productivité plutôt que la qualité des soins.
Vincent Marissal, député de Québec solidaire, a ajouté que ce recours exceptionnel au bâillon survient à peine quelques jours après la reprise des travaux parlementaires, une situation qu’il juge inquiétante pour le processus démocratique.
Une réforme sous haute tension dans le réseau de la santé
Cette loi spéciale s’inscrit dans une série de réformes lancées par le gouvernement Legault pour améliorer l’efficacité du système et rehausser la reddition de comptes des médecins. Cependant, plusieurs experts estiment que la précipitation de la démarche pourrait accentuer le climat de tension dans le réseau, fragilisé par les pénuries de personnel et la surcharge des urgences.
Selon plusieurs sources du milieu hospitalier, les mesures coercitives pourraient même démobiliser une partie du corps médical, déjà éprouvé depuis la pandémie. Les fédérations médicales, de leur côté, affirment ne pas s’opposer à une meilleure imputabilité, mais réclament une réforme concertée, plutôt qu’imposée.
Le débat sur la loi spéciale devrait se prolonger jusqu’à tard vendredi soir, une procédure parlementaire qui, bien qu’exceptionnelle, est devenue récurrente sous le gouvernement actuel.

